dimanche 6 septembre 2009

EPISODE 34 : LE DERNIER CHAPITRE : LA RESURRECTION DES LEODIENSIS (Partie 5)

Embourg. Mardi 10 mars. 17 heures 03.

- Y a quelqu'un... ? S'il vous plaît, répondez !

Des gémissements à peine perceptibles font écho à l'appel du jeune brigadier. La porte est close. L'agent de Police tente naïvement de la forcer avec son bras droit. Un serrurier, prévenu par Julia, est présent sur les lieux. Il s'exclame avec une franchise déconcertante auprès du jeune brigadier :

- Vous êtes malade ! Ne faites pas ça ! Laissez-moi faire !

L'homme cherche alors sur son trousseau le passe-partout. Il l'introduit dans la serrure et, en deux tours, parvient à ouvrir la porte. A l'intérieur de la pièce : le noir absolu. Les volets sont baissés et les tentures tirées. En appuyant sur l'interrupteur, l'éclairage ponctuel des spots encastrés fait apparaître un salon à l'espace démesuré. Les bruits entendus semblent se rapprocher. La caméra effectue une lente avancée dans la seconde partie du salon.

L'agent de police : Nom de Dieu !

Le policier se précipite avec son collègue resté en retrait vers Rachel et Greg. Leur tirant délicatement la bande autocollante couvrant leur bouche, il défait les noeuds de la corde qui les maintenait jusque là immobiles sur leur chaise. Il faudra plus de deux minutes aux deux agents pour délivrer les deux victimes.

L'agent : Ca va ?
Rachel (essoufflée) : Oui... Oui, oui, ça va...
Gregory : Ca pourrait aller mieux mais... On est sains et saufs, c'est ce qui compte !

L'agent dégage l'amas de corde au pied des chaises. Avec son coéquipier, il aide Rachel à se lever. Gregory éprouve quelque difficulté à se redresser. Le serrurier le soutient.

Le serrurier (s'adressant à Rachel et Greg) : Vous connaissez votre « bourreau » ?
Rachel (regardant Greg) : Non, pas du tout.
Julia (s'adressant à Anna) : Vous aviez donc raison, Julia... Il y avait bien quelqu'un dans cette pièce. Dieu soit loué, il n'y a pas de blessé !
Anna : Comment vous appelez-vous ?

Rachel et Greg, surpris par la voix électronique de son vocalisateur, répondent par un silence prolongé. Greg, se rendant compte de l'erreur de son attitude hésitante, finit par se présenter :

Greg : Je... Je m'appelle Grégory... Grégory Laurent...
Rachel : Et moi... Rachel Beaujean.

Anna s'avance vers les deux jeunes gens. Elle s'interroge :

Anna : Mon père ne vous a pas séquestrés ici dans le seul but gratuit de vous séquestrer. Savez-vous pour quelle raison ils vous a enlevés ?
Rachel (regardant Greg avec insistance) : Nous... Nous ne savons pas ! Nous ne connaissons pas cet homme !

Dans le regard d'Anna se devine un mélange de méfiance et de doute. Mais la jeune femme se fait directement rassurante.

Anna : Il va falloir juger mon père au plus vite. Ce qu'il a fait à votre encontre est impardonnable. Je sais qu'il aurait été capable de vous tuer ! Mon père est un psychopathe, j'en suis sûre ! J'espère qu'il s'en est juste tenu à vous ligoter ? Il serait capable de bien pire !
Greg : Non, non, ça va... Mais vous avez raison, je crois qu'il avait l'intention d'aller plus loin.
Rachel : Le principal est que nous soyons indemnes.
Anna : Bon sang, je savais qu'il manigançait quelque chose ! Ce type est une ordure !
Julia : Anna, ne parlez pas de votre père de cette façon... Peut-être que...
Anna (interrompant Julia) : Julia... Regardez devant vous... Que voyez-vous ?

Julia se tait. Face à l'évidence, le moindre argument favorable à l'innocence de Hartmann ne tiendrait pas la route.

L'agent : Où est Monsieur Hartmann ?
Julia : Il est parti. Il devrait bientôt revenir.
L'agent : Alors nous allons l'attendre. J'appelle une ambulance pour ces deux jeunes gens.
Anna : Vous allez arrêter mon père ce soir, alors ?
L'agent : Navré de vous le dire aussi directement mais : oui, nous allons l'arrêter ce soir. Je tiens à avoir des explications claires et précises sur cette séquestration ! Désolé pour vous si cette décision ne vous enchante guère mais... C'est la loi !
Anna : Au contraire, j'attendais ce moment avec impatience...
Julia (décontenancée par le propos de la demoiselle) : Anna ! S'il vous plaît !


Centre médical de Liège. Service d'Oncologie pédiatrique. Mardi 10 mars. 16 heures 43.

Vanessa rédige un rapport de stage dans le bureau d'accueil du service d'Oncologie. Aux alentours, des infirmières et pédiatres s'activent, discutent des jeunes patients ou relisent leurs fiches médicales. Le Docteur Keller arrive d'un pas assuré à l'accueil. Il interpelle la jeune stagiaire.

Dr Keller : Vanessa, puis-je vous voir dans mon bureau s'il vous plaît ?
Vanessa (surprise) : Bien Docteur, j'arrive de suite.

Le ton glacial du Docteur Keller inquiète la jeune femme. Elle lâche la souris de l'ordinateur, enregistre son rapport dans son dossier informatique personnel et se lève pour rejoindre le bureau du Dr Keller.

La caméra suit Vanessa sur une trentaine de mètres. Le bureau du Dr Keller est à l'autre bout du couloir. Elle frappe deux fois à la porte.

Dr Keller : Entrez !
Vanessa : Vous vouliez me voir...
Dr Keller : Asseyez-vous, je vous prie.

La demoiselle s'exécute.

Dr Keller : J'ai une très mauvaise nouvelle à vous annoncer.
Vanessa (surprise) : Ah bon ? De quoi s'agit-il ?
Dr Keller : J'ai reçu ce matin les analyses de sang et quelques radios du petit Théo...
Vanessa : Et... ?
Dr Keller : Et elles ne sont pas bonnes.
Vanessa : C'est-à-dire ?
Dr Keller : Regardez... (Le Docteur lui tend une radiographie.) Qu'y voyez-vous ?
Vanessa : Des tâches suspectes...
Dr Keller : Bonne observation. De quoi s'agit-il ?
Vanessa : Je... Je ne sais pas... Je dirais des... Des tumeurs ou des...
Dr Keller : Des métastases. Ce sont des métastases.
Vanessa : Alors, vous voulez dire que...
Dr Keller : Que des métastases sont apparues. Cette radiographie pulmonaire le confirme. Et ce n'est pas tout. Les cellules cancéreuses se sont propagées dans les vaisseaux lymphatiques et sanguins. Ce petit n'est vraiment pas gâté. Il va falloir être vigilant. La tumeur primaire a engendré une tumeur secondaire. Regardez le rapport. (Vanessa se saisit du dossier dans lesquels est listée une succession de chiffres et de termes biologiques aussi complexes les uns que les autres). Il y a également présence d'envahissement ganglionnaire. Et ça, c'est très mauvais signe.
Vanessa : Quel pronostic faites-vous quant à ses chances de survie ?
Dr Keller : Mon pronostic n'est pas bon. Très clairement... Les métastases s'étendent, se propagent. Ce n'est pas bon signe. Ma réponse va vous choquer mais... Attendez-vous à ne plus le voir d'ici un mois... Lorsque j'aurai plus d'informations, je vous les transmettrai à tête reposée. Il est presque 17 heures, j'ai un rendez-vous à l'université dans trois quarts d'heure. Désolé de vous annoncer de si mauvaises nouvelles mais il fallait que je vous prévienne aujourd'hui même... Je me dois de vous tenir informée de toute « évolution » en bien ou en mal. Cela fait partie du boulot, je vous avais prévenue.
Vanessa : Ne vous en faites pas. Je sais à quoi m'en tenir.
Dr Keller : Revenez dans mon bureau à la fin de cette semaine ; j'aurai plus de détails après les autres analyses.
Vanessa : Bien, Docteur.

Vanessa sort du bureau, l'esprit empli de doutes. Un vague sentiment d'injustice traverse sa pensée. Il est 17 heures. A l'extérieur, la journée se termine, laissant place à un ciel d'épais nuages grisâtres. Avant d'emprunter le couloir qui la mène au vestiaire des infirmières, Vanessa se décide à rejoindre celui du service d'hospitalisation. Chaque chambre a sa porte ouverte laissant échapper des bruits de fond : dessins animés, clips, jeux télévisés... Les voix des animateurs ou des personnages apaisent ou consolent ; du moins, l'espace d'un moment, ils font oublier aux parents présents la raison de leur venue. Des dessins encadrés sont accrochés aux murs extérieurs et rappellent le côté « infantile » du département pédiatrique. Vanessa arrive à hauteur de la chambre de Théo. Le petit garçon est couché dans son lit avec pour seuls compagnons un téléviseur, un baxter et des tuyaux transparents enfouis dans ses narines. Vanessa entre...

Vanessa : Théo... Tu vas bien ?
Théo : Oui... J'ai un peu mal... Mais ça va quand même.
Vanessa : Théo, il faut que je te parle...
Théo : De quoi ?
Vanessa : Je... J'ai des choses importantes à te dire. Je veux juste te prévenir. Ne m'en veux pas...
Théo : Pourquoi ?
Vanessa : Parce que... (Moment de silence) Parce que ce que j'ai à t'annoncer n'est pas bon.

Vanessa s'assoie sur le bord du lit. Elle prend la main du petit garçon.

Vanessa : Théo, il va falloir être fort. Très très fort...


Embourg. Quartier résidentiel de W. Hartmann. Lundi 9 mars. 17 heures 28.


Hartmann emprunte la route sinueuse principale de son quartier. Dans l'habitacle du Hummer noir, une sonate de Brahms résonne comme une musique d'ascenseur. L'Intermezzo ne sert qu'à étouffer le bruit du vent et le vrombissement du puissant moteur. Revenu de sa consultation thérapeutique, Hartmann est encore sous l'effet de ses confidences dévoilées. Dans l'obscurité naissante, deux gyrophares bleus éclairent dans un mouvement rotatif une partie de la chaussée. Hartmann ralentit, s'approche et devine la présence d'un véhicule de Police arrêté en réalité devant la résidence voisine. Il pénètre dans sa propriété, se saisit de la télécommande pour ouvrir la double porte du garage. Le Hummer s'enfonce dans le vaste parking betonné pour se ranger entre deux sportives de luxe. Empruntant le couloir reliant le garage au hall d'entrée, Hartmann entend un bruit de fond : des voix d'hommes et sans doute celle de Julia. Il ralentit le pas, ouvre délicatement la porte du hall. Il aperçoit alors dans le salon deux fines silhouettes assises dans le canapé de cuir.

Hartmann (observant d'un oeil méfiant les deux hommes) : Messieurs...
Agent 1 : Monsieur Hartmann...
Agent 2 : Monsieur Hartmann...
Julia (debout aux côtés d'Anna) : Monsieur Hartmann, je suis désolée pour vous...
Hartmann (étonné) : Eh bien, Julia, que se passe-t-il ?
Agent 1 : Monsieur Wakhner Hartmann, nous avons le devoir de vous arrêter.
Hartmann : Je vous demande pardon ?
Agent 2 : Vous êtes en état d'arrestation pour séquestration et violence commise sur deux personnes.
Hartmann (abasourdi) : Julia... Julia, vous n'avez pas fait ça... Ce n'est pas possible...
Julia : Si... Je l'ai fait, Monsieur Hartmann... Sur l'ordre de votre fille...

Anna a les yeux figés sur son père comme si elle venait de le conquérir telle une prédatrice sur sa proie à l'agonie. Hartmann se croit plongé dans un cauchemar d'une étrange précision. Ses poignets sont menottés. Les deux agents de Police lui adressent quelques mots mais il ne les entend pas. Ou plutôt, il refuse de les entendre.

Hartmann : Pourquoi m'arrêtez-vous ? Qu'ai-je fait ?
Agent 1 : Nous venons de vous le dire, Monsieur Hartmann.
Hartmann : Prouvez-le ! Prouvez-le que j'ai séquestré deux personnes ici.
Agent 1 : Rachel Beaujean et Grégory Laurent... Ca vous dit quelque chose ?
Hartmann : Absolument pas !
Agent 2 : Si vous jouez la carte de la mauvaise foi, vous risquez de perdre le jeu, Monsieur Hartmann. Ne cherchez pas à nous tromper car tout ce que nous avons constaté est retenu contre vous. En fait, vous ne pouvez même pas nier. A moins que vous ne soyez assez déluré pour croire vous-même à vos propres mensonges.
Julia : Monsieur Hartmann, ne niez pas l'évidence.
Hartmann (colérique) : Taisez-vous, Julia ! Taisez-vous ! Je ne veux plus vous entendre. Vous saisissez ça ? Je ne veux plus vous entendre ! Et d'abord, où sont-ils ?
Agent 1 : Ils ont été transportés d'urgence à l'hôpital... Ils étaient dans un état de dénutrition avancé. Pas très joli de votre part, tout ça, Monsieur Hartmann.
Hartmann : Où étaient-ils ?
Agent 1 : Dans l'annexe... Parmi vos belles collections de photographies... Vous savez : celles où apparaissent des jeunes gens...
Hartmann : Vous avez fouillé dans mes affaires ?! Mais avec quelle permission ?!
Agent 2 : Qui sont tous ces gens, Monsieur Hartmann ?
Hartmann : Ca ne vous regarde pas !
Agent 1 : Nous le saurons tôt ou tard...
Agent 2 : Maintenant il est temps de vous embarquer.

Anna et Julia regardent le vieil homme quitter le salon, entouré des deux officiers de Police. Tête droite et regard noir, Hartmann maintient l'allure altière et digne, comme s'il voulait laisser à sa fille et à sa gouvernante l'image lisse d'un Honnête Homme victime d'une bavure judiciaire.

Hartmann (se tournant vers Anna) : Ma fille, je reviendrai... Tu entends ? Je reviendrai...


Résidence de Georges Barnier. Lundi 9 mars. 16 heures 53.

La sonnerie électronique résonne dans le loft de Barnier. Confortablement installé dans son salon, il lit un journal de presse. Il se lève pour répondre à l'appel au parlophone installé à proximité de l'entrée.

Barnier : Qui est-ce ?
Sarah : C'est moi... Sarah, la petite amie d'Arnaud.
Barnier (surpris) : Sarah ? En... Entrez...

Au bas de l'immeuble, l'imposante porte électronique s'ouvre. Sarah pénètre dans l'ascenseur pour rejoindre l'étage du loft de Barnier.

La sonnette de la porte se déclenche. Barnier, d'un pas pressé, va accueillir la demoiselle.

Barnier (ouvrant la porte) : Sarah... Que faites-vous là ? Vous... Vous n'êtes pas à l'université ?
Sarah : Non, je n'ai pas de cours ce soir. Monsieur Barnier, je... Je sais tout.
Barnier : Pardon ?
Sarah : Je suis au courant de tout. De vos projets, de vos entreprises, de votre histoire.
Barnier (surpris) : Mais que...
Sarah : Je vous promets que je me tairai jusqu'à la fin de mes jours. Personne ne saura rien. Vous avez ma parole...
Barnier : Mais de quoi parlez-vous ?
Sarah : Laissez-moi entrer, j'ai à vous parler. Et surtout, ayez confiance en moi. C'est tout ce que je vous demande...