samedi 17 janvier 2009

EPISODE 9 : "ME DELECTER DE SA BEAUTE" (Partie 3)

Eupen. Nationale 67. Mercredi 31 décembre 2008. 17 heures 34.

Reliant Eupen à la petite ville allemande de Monschau, la Nationale 67 s'étend sur une quinzaine de kilomètres. Cette voie traverse en ligne droite une impressionnante étendue de boisements, la forêt des Hautes Fagnes.

L'hélicam survole en plan l'étroite route enneigée bordée d'imposantes rangées d'épicéas. Dans un mouvement fluide, la caméra de l'hélicam se rapproche de la route, laissant apercevoir à quelques dizaines de mètres l'arrière d'un véhicule avançant à vitesse modérée. Dans celui-ci : Grégory Laurent et Rachel Beaujean.

Rachel (stressée) : On n'arrivera jamais à l'heure ! Regarde-moi cette neige !
Grégory : C'est sûr qu'à ce rythme-là, le réveillon va nous passer sous le nez !
Rachel : En tout cas, ce n'est pas ici que je m'installerais ! (Rachel observe par la vitre les pointes des épicéas qui défilent sous ses yeux.) Cet endroit est si... troublant.
Grégory (souriant) : C'est une forêt !
Rachel : Non ! Celle-ci est... Comment dire... Celle-ci est si... différente.

Musique glauque. L'hélicam survole la route en suivant le trajet de la voiture conduite par Grégory. Quelques mètres en arrière, un 4X4 les piste depuis leur départ de Monschau où ils ont passé l'après-midi.

Grégory : Tu sais, Rachel, je n'ai pas trop le coeur à faire la fête ce soir.
Rachel : Moi non plus.
Grégory : Depuis l'accident de Mélanie, je ne dors plus. Maintenant que Laura a disparu, c'est encore pire !
Rachel : Mélanie... (soupir) Elle était si jeune...
Grégory : La police en est toujours au point de départ au sujet de son accident.
Rachel : Ils n'ont aucune chance de retrouver les coupables !
Grégory : En tout cas, ces enfoirés sont vachement bien organisés !
Rachel : C'est le moins qu'on puisse dire ! Et dans toute cette affaire, nous sommes laissés à notre triste sort ! (Soupir) Merci Monsieur Barnier...

La caméra filme les deux jeunes trentenaires de face. Le pare-brise du coffre, embué par l'humidité, offre une vision réduite de l'atmosphère. Le 4x4 qui les suit s'approche peu à peu jusqu'au moment où Grégory s'interroge.

Grégory : Tiens, c'est bizarre, le gars derrière nous, il vient d'allumer ses « gros phares ».
Rachel (se retourne pour regarder à l'arrière) : Il s'est peut-être trompé...
Grégory : Je ne vois pas pourquoi il se tromperait subitement ; il doit bien voir que ses gros phares sont allumés !
Rachel : Ca y est !
Grégory : Quoi ?
Rachel : On est devenu paranos !
Grégory : Evidemment qu'on est paranos !
Rachel : Je vais devenir folle.
Grégory : Tu ne seras pas la seule dans le groupe, à mon avis ! On le deviendra tous...

Soudain, le 4x4 accélère dangereusement. Le conducteur se met à klaxonner avec insistance. Gros plan sur le pare-chocs avant du 4X4.

Grégory : Qu'est-ce qu'il nous veut celui-là ?
Rachel : Non... Ne me dis pas que...
Grégory : On a été pistés ! Ils nous ont suivis, ces conn... !
Rachel : Accélère !

Grégory appuie sur la pédale d'accélération ; un geste risqué au vu des conditions climatiques qui le contraignent à modérer sa vitesse.

Rachel (regarde à l'arrière) : Il veut nous rentrer dedans, cet enfoiré ! Accélère, bon sang !
Grégory : Je ne fais que ça !

L'attitude agressive du chauffeur ne laisse plus aucun doute sur sa volonté de provoquer un accident. La caméra avance dans un mouvement rapide vers le pare-chocs du 4x4.

L'inconnu, sans hésitation, se précipite et heurte à trois reprises le pare-chocs arrière.

Grégory : Mais quel enfoiré ! Il cherche quoi, là ?!
Rachel : Attention, il essaie de nous dépasser !
Grégory : Qu'il nous dépasse et qu'on en finisse !

Large plan sur le 4x4 qui arrive à hauteur de l'habitacle. Les vitres parfaitement opaques ne laissent rien transparaître. Le conducteur est-il seul ? Est-il armé ? Le 4x4 bouscule à quatre reprises la berline de Grégory, qui manque de se retrouver sur le flanc de la route. En temps normal, la voiture pourrait se dégager facilement des ronces et de la broussaille, mais, avec l'abondante couche de neige recouvrant les bas-côtés de la chaussée, se remettre sur la route serait vain. Les arrivées de voitures en sens inverse obligent l'agresseur à se replacer derrière le véhicule de Greg, attendant que la voie soit libérée pour harceler de nouveau le jeune couple.

Grégory : Tu veux faire ton petit malin, hein, c'est ça ? Vas-y, j't'attends !

Les accélérations des deux véhicules renforcent la tension de la scène. L'inconnu ne lâche pas prise. Il continue à tamponner.

Rachel : Regarde ! Il baisse sa vitre !
Grégory : Baisse-la, ta vitre ! Allez, montre qui tu es, conn... !
Rachel : Greg, il est armé !

Soudain, un bruit assourdissant interrompt la course folle de la berline. L'inconnu ralentit sa vitesse pour se remettre sur la droite de la chaussée, tandis que la berline termine sa course en traversant les ronces, percutant violemment un résineux.

Fond musical glauque.

Après quelques secondes de temps mort, le 4x4 reprend sa route comme s'il ne s'était rien passé.

La caméra filme alors le véhicule s'éloignant puis, dans un mouvement lent, s'approche de la voiture de Greg jusqu'au niveau de la vitre du conducteur. (Fond musical glauque.) La caméra fixe ensuite la ligne droite formée par cette étroite route. Il est 17h46. Le ciel est sombre ; l'horizon, désert ; l'atmosphère, troublante.


Embourg. Résidence de Hartmann. 31 décembre. 19 heures 02.

La caméra filme les deux pièces composant le spacieux living room de l'annexe. Une voix rauque balbutie des mots. La caméra arrive lentement dans la seconde partie du salon. Le spectacle qui est offert aux spectateurs est insoutenable. Laura, le corps mu par de violents spasmes , a le visage ensanglanté. Ses bras et ses jambes sont solidement liés. A l'agonie, ses cris de douleur sont indescriptibles. Hartmann, nullement inquiet du triste sort auquel il a laissé la jeune femme, verse – avec une attitude sournoisement désinvolte – une gorgée de whisky dans un verre .

Hartmann (près du bar à alcools, s'adresse à Laura sans la regarder, en remplissant son verre) : Souhaitez-vous un verre de whisky, Mademoiselle Laura ?
Laura : ...
Hartmann (se tourne vers Laura puis s'approche d'elle) : Alors... On ne répond pas ? On est intimidée ?

Le vieil homme se dirige vers une commode sur laquelle est déposé un miroir sur pied. Il s'avance vers Laura et lui montre son « nouveau » visage. Laura, choquée par l'image que lui renvoie cet objet maudit, pousse un hurlement de frayeur.

Hartmann (d'un calme perfide) : La beauté est éphémère, demoiselle. Elle peut vous lâcher subitement lorsque vous ne maîtrisez plus votre destin.

Laura pleure, tente de se défaire de ses liens, cherchant une issue miraculeuse à cet insupportable cauchemar.

Hartmann (approchant son visage de celui de la jeune fille) : Barnier a réussi son projet. Son Réseau est un véritable succès. Je sais que votre valeur est inestimable et que votre secret, s'il venait à être dévoilé... vous causerait bien des soucis.

Laura (d'une voix tremblante) : Qui... Qui êtes-vous... ?

Hartmann : Je suis un malade ; un malade qui n'a pas pris sa revanche et qui ne vise qu'un seul objectif dans sa petite tête de « déluré » : vous faire vivre l'enfer.

Laura : Espèce de salaud...
Hartmann : Plaît-il ? Oseriez-vous insulter un vieil homme comme moi ?
Laura : Tuez-moi, qu'on en finisse !
Hartmann : Non, je vais encore un peu m'amuser avec vous. Puis... Vous mourrez toute seule. En douceur.

C'est alors que, dans un mouvement brusque, Hartmann jette son verre de whisky sur le visage de la jeune femme. La douleur générée par le contact entre la chair et l'alcool provoque un insoutenable cri de souffrance qui résonne dans toute la partie annexe. La caméra filme l'extérieur de la villa (travelling arrière lent de la toiture puis élargissement du plan sur l'ensemble de la propriété).