samedi 20 décembre 2008

EPISODE 5 : QUI ÊTES-VOUS, MONSIEUR HARTMANN ? (Partie 4)

Mardi 16 décembre 2008. 20 heures 38.

Sur une musique sombre, l'hélicam survole au ralenti le fleuve de la Meuse. L'image s'accélère et l'hélicam accomplit - de nouveau au ralenti - la circonvolution d'un des plus hauts buildings de Liège, la « tour Kennedy ». Il accélère de nouveau le mouvement en direction des boulevards d'Avroy et de la Sauvenière. L'hélicam revient ensuite au mode ralenti en tournant autour de la basilique Saint-Martin, juchée sur une colline bordant l'extrémité de la Sauvenière. L'édifice, subtilement éclairé d'une fine lumière bleue par sa base, donne une impression de mystère.

Travelling avant vers le 6e étage d'une tour de verre du centre-ville.

Monsieur Barnier : A l'heure qu'il est, nous ignorons tout de l'identité de celui qui vous veut du mal. Nous avons mis les forces de police à contribution et j'ai engagé personnellement un détective spécialisé dans les affaires criminelles.


L'homme qui parle a soixante-huit ans. Il s'appelle Georges Barnier. A la tête d'une des plus grosses sociétés industrielles d'Europe, il est aussi le « protecteur » d'une communauté d'individus au passé trouble solidement gardé en secret depuis leur enfance. Marc Lejeune, Caroline Leroy, Rachel Beaujean, Grégory Laurent, Laura Da Silva, Jessica Milano, Vanessa Berryer, Arnaud Dechêne, Lionel Derechain : tous sont réunis dans le vaste loft de Barnier qui surplombe la place Saint-Lambert.

Caroline : Ces policiers seront-ils toujours à nos côtés ?
Barnier : Tu as ma parole, Caroline. Je peux te garantir que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour que votre sécurité soit optimale.
Marc (inquiet) : Et ma fille ? Avez-vous songé à ma fille ? Elle n'a que 9 ans !
Barnier : Manon sera protégée comme vous tous ! (Moment de silence) Ecoutez... Je sais que ce que vous êtes en train de vivre n'est pas facile, surtout depuis la mort de Mélanie. Avant, ce n'était déjà pas évident pour vous mais... vous devez continuer à maintenir, coûte que coûte, votre secret. Aujourd'hui, nous savons qu'au moins une personne en-dehors du clan est au courant de ce qui vous lie. Il n'y a que deux solutions : soit nous dévoilons tout et vous serez alors condamnés à l'exclusion sociale, soit nous nous battons pour notre dignité !
Grégory (nerveux) : Tout ça, c'est votre faute !! C'est à cause de votre projet que nous en sommes là aujourd'hui ! Pourquoi nous avez-vous utilisés ?!
Barnier : Grégory, calmez-vous, je vous en prie... Je...
Grégory : Non, je ne me calmerai pas ! Vous ne semblez pas comprendre que... Que nous sommes déjà morts ! Vous pensez sincèrement que vos effectifs à la mords-moi le noeud vont nous assurer une sécurité "OPTIMALE" ? Et combien de temps encore allons-nous jouer à ce petit jeu ?
Vanessa : Greg a raison. Il n'y a plus d'espoir pour nous...
Grégory : J'ai pas envie de rester une minute de plus ici. Je préfère partir. (Gregory se lève et se dirige vers une double porte métallique servant d'entrée principale au loft).
Barnier (suivant d'un pas rapide Grégory) : Grégory, attendez ! Ne partez pas. Je...
Grégory : Ecoutez-moi bien, Barnier... Ecoutez-moi bien une bonne fois pour toutes. Vous avez eu tout ce que vous vouliez dans votre vie : l'argent, le pouvoir et la notoriété. Mais aujourd'hui, vous êtes en train de payer le prix fort de votre orgueil ! Le seul problème, c'est que dans toute cette histoire, vous ne serez pas le seul à sombrer... Nous devrons, nous aussi, plonger avec vous !

La caméra opère un travelling avant sur le regard anéanti du vieil homme. Le fond musical s'intensifie. L'image disparaît progressivement.

Jeudi 18 décembre 2008. 14 heures 03.

Travelling avant sur le Centre Psychiatrique de Liège, situé en plein coeur de la forêt du Sart Tilman, au sud-est de Liège.

Le Docteur Véronique Moreau, psychiatre spécialisée dans le traitement des délinquants sexuels, se trouve dans son bureau face à Hartmann.

Docteur : Comment allez-vous aujourd'hui Monsieur Hartmann ?
Hartmann (sur un air faussement innocent) : Je me sens divinement bien.
Docteur : Ah bon... « Divinement » bien...
Hartmann : Oui, je... j'ai encore rêvé cette nuit.
Docteur : Vous avez encore rêvé ? (Moment de silence) Et de quoi avez-vous rêvé, Monsieur Hartmann ?
Hartmann : J'ai rêvé de Laura.
Docteur (curieuse) : Laura ? Qui est Laura ?
Hartmann : Oh, une personne... parmi d'autres !
Docteur : C'est une amie ? Un membre de votre famille ?
Hartmann : Oh non ! C'est une simple connaissance. Je vais bientôt l'inviter chez moi. Je lui ai préparé une jolie surprise.
Docteur : Une surprise ? Et quel genre de surprise ?
Hartmann : Je ne vais pas vous le dire, Docteur. Une surprise doit rester une surprise.
Docteur : Mais cette surprise ne doit rester secrète que pour Laura, n'est-ce pas ? Vous savez bien que vous pouvez tout me raconter, sans le moindre tabou. Vous êtes ici pour ça, Monsieur Hartmann, non ?
Hartmann : Je ne suis pas dupe !
Docteur : Monsieur Hartmann, vous devez me faire confiance. Vous me payez pour ça et jamais je ne me permettrai de vous trahir.
Hartmann : J'aimerais changer son visage.
Docteur : Pardon ?
Hartmann : Vous avez bien entendu : j'aimerais changer son visage.
Docteur : Changer... son visage ? Celui de Laura ?
Hartmann : Oui, celui de Laura.
Docteur : Mais comment comptez-vous vous y prendre ?
Hartmann : Vous le savez bien.
Docteur : Vous n'aimez pas son visage ?
Hartmann : Oh si, je la trouve très jolie.
Docteur (après un moment de silence) : Je vois que vous n'avez guère envie d'aller plus loin dans vos explications.
Hartmann : Ce n'est pas nécessaire.
Docteur : Cette jeune femme vous trouble visiblement. Pourquoi vous intéressez-vous à elle ?
Hartmann : Je ne trouve pas d'explication, Docteur. Pourquoi elle et pas une autre ? (Moment de silence) Et vous, pourquoi vous intéressez-vous à moi ?
Docteur : Vous êtes mon patient. Je suis là pour vous aider à vous en sortir.
Hartmann : Etes-vous sûr, Docteur, que vous êtes là pour vos patients ?
Docteur : Allons, Monsieur Hartmann...
Hartmann : Vous arrive-t-il parfois de vous interroger sur les raisons qui vous ont poussée à devenir psychiatre ?
Docteur : Je comprends votre curiosité mais il vaudrait mieux que nous n'inversions pas les rôles. Je suis ici pour vous. Qui que vous soyez, je ne suis pas là pour vous juger, mais pour comprendre ce qui anime vos pulsions.
Hartmann (pris dans un délire schizophrénique soudain) : Qui êtes-vous Monsieur Hartmann, qui êtes-vouuuuus ?! Vous n'avez que cette question en tête ! Mais vous ne pourrez jamais me comprendre ! Et encore moins savoir qui je suis !!
Docteur (déroutée par le changement d'attitude de son patient) : Monsieur Hartmann, calmez-vous, je vous en prie. Ne me prenez pas pour votre ennemie.
Hartmann (plaçant son visage entre ses deux mains) : Vous voulez savoir ce que je désire vraiment dans mon existence ?
Docteur : Oui, Monsieur Hartmann, je veux savoir.
Hartmann : Je veux qu'on me laisse faire tout ce qui nourrit mes désirs les plus profonds.
Docteur : Nous voulons tous réaliser nos désirs les plus profonds.
Hartmann : Mais personne ne peut le faire, n'est-ce pas ?
Docteur : Personne.
Hartmann : Alors, je vais changer la donne.
Docteur : Vous savez très bien que ce n'est pas possible. Il y a des contraintes sociales et morales.
Hartmann : Vous voulez parler des lois, c'est bien ça ?
Docteur : Entre autres.
Hartmann : J'aimerais arrêter la séance maintenant, si vous le permettez. Je suis fatigué.
Docteur : Vous voulez déjà stopper la séance maintenant ? Mais il n'y a que...
Hartmann : S'il-vous-plaît, laissez-moi partir. Je n'ai pas envie de parler aujourd'hui. Je n'ai pas le coeur à parler.
Docteur : Il n'y a pas de problème. (Moment de silence) Revenez la semaine prochaine, comme d'habitude. Si vous vous sentez mal, n'hésitez pas à me contacter.
Hartmann (regarde son poignet droit) : Vais-je devoir porter ce bracelet encore longtemps ?
Docteur : Je ne peux pas vous répondre pour le moment. Les bracelets électroniques nous sont nécessaires pour garder un oeil sur vous, vous comprenez ?
Hartmann : Je sais.

Hartmann se lève, serre la main du Docteur Moreau ; tous deux se dirigent alors vers la porte du cabinet.

Docteur : A la semaine prochaine, Monsieur Hartmann. Prenez soin de vous.
Hartmann : Au revoir, Docteur.
Docteur : Monsieur Hartmann, si vous revoyez encore cette Laura dans vos rêves, et si vous vous souvenez à votre réveil de ceux-ci, notez leur contenu sur une feuille. Nous tenterons d'analyser celui-ci.
Hartmann : Je vais y penser...

En sortant dans le couloir, Hartmann réajuste sa cravate et le col de son veston. La caméra suit son visage en gros plan. L'arrière-plan flouté montre la silhouette du Docteur Moreau. Une musique glauque s'incruste dans la scène, accompagnant le bruit sec des pas lourds sur le sol carrelé du couloir. Hartmann se retourne quelques secondes vers le cabinet tout en marchant, laissant place ensuite à un sourire narquois qui en dit long sur le tempérament du personnage.