samedi 22 novembre 2008

EPISODE 2 : QUI ÊTES-VOUS, MONSIEUR HARTMANN ? (Partie 1)

Liège. Boulevard Frère-Orban. Dimanche 16 novembre 2008. 8 heures 45.

La caméra suit un sportif de profil. Il court sur le large sentier du quai bordant la Meuse. Les arbres plantés en rang séparent le coureur de la caméra et défilent au rythme de sa course. Au plan suivant, une autre caméra suit le coureur quelques mètres en arrière et en hauteur, pour avoir un effet de plongée sur le personnage.

Marc Lejeune est inspecteur de police à la Ville de Liège. Cet homme de trente-quatre ans ne déroge pas au rituel du footing, chaque dimanche matin, le long de ces vastes quais de verdure, où les marronniers invitent les citadins à savourer ce coin de nature discret.

La sonnerie du téléphone portable retentit. Marc s'arrête, place son oreillette tout en vérifiant sur l'écran le nom du destinateur : "Caroline Leroy". Etonné par son appel à une heure si matinale, il répond d'une voix essoufflée.

Marc : Salut Caro ! Que se passe-t-il ? (La conversation est marquée par des silences pesants) Quoi ? Nom de Dieu ! Mais... mais c'est arrivé à quelle heure ? Où est-elle ? (La caméra fixe en gros plan le visage inquiet de Marc). Ecoute, je... Je vais m'y rendre dans les plus brefs délais. Les autres ont été prévenus... ? Je me charge de prévenir Greg. A tout à l'heure ! (La caméra montre en gros plan le visage de Marc et se déplace ensuite vers la droite pour laisser apparaître le Centre de Conférences bordant la Meuse sur l'autre quai).


Travelling avant lent sur un vaste hôpital en forme de U trônant sur les hauteurs de la ville.

Centre médical de Liège. Unité des Soins intensifs. Dimanche 16 novembre. 20 heures 08.

Marc arrive d'un pas ferme au bureau de réception de l'unité. Une infirmière l'accueille.

Marc (pressé) : Bonsoir mademoiselle, je cherche la chambre 124, s'il vous plaît.
Infirmière : La chambre 124 ? (Elle montre du doigt un long couloir aux murs fraîchement repeints d'un blanc immaculé) C'est là-bas ! Vous continuez tout droit et la chambre doit se trouver vers le milieu du couloir.
Marc : Je vous remercie.
Infirmière : Oh heu... Juste une chose : les visites sont clôturées à 20 heures 30 et elles sont limitées à quinze minutes par personne.
Marc : Pas de problème. (Marc s'éloigne) Merci encore !

La caméra suit le jeune homme dans ce long couloir. Le va-et-vient incessant des infirmiers met un peu d'animation dans ce lieu qui respire la fragilité de l'existence.

Marc s'arrête à hauteur de la porte numérotée 124. Elle est légèrement entrouverte. Il entre, s'avance et approche de la jeune fille couchée dans le lit.

L'électrocardiogramme, placé non loin de la patiente, marque, par un son bref et à intervalles réguliers, les influx électriques générés par les cellules cardiaques. Ce bip sonore renforce la lourdeur du silence qui règne dans la chambre à l'atmosphère verdâtre. Marc s'approche. Il prend la main de son amie, caresse son front et la regarde, la mine effrayée par ce corps cadavérique dissimulé sous une épaisse couche de draps blancs.

Marc : Laura... Laura... C'est moi, Marc ! S'il-te-plaît, réponds-moi. Je t'en supplie. (Les lèvres tremblantes, Marc peine à retenir son émotion).

Laura (levant légèrement ses paupières et balbutiant quelques mots) : Marc... Pas accident... Pas accident... Mélanie morte... J'ai crié...

Marc : Laura, tu as été renversée aussi !

Marc serre la main de Laura et effleure du bout de ses doigts les arcades sourcilières rougies par la cicatrisation.

Marc : Je voudrais que tu saches une chose, Laura. Je pense très fort à toi. Moi et les autres, nous viendrons te voir tous les jours jusqu'à ce que tu sois remise sur pieds. Bats-toi, c'est tout ce que je te demande !

Laura (sanglote) : Je... Je vous en prie... Aidez-moi...

La voix de Laura se fragilise, comme si chaque prononciation de mot s'apparentait à une souffrance physique. Le regard ému de la jeune fille est filmé en gros plan. Des larmes coulent le long de ses joues. Ses lèvres resserrées tremblent.

Laura ignore la raison de son hospitalisation. Elle sait que Mélanie a heurté l'asphalte au moment du choc de l'accident. Mais pour le reste, c'est un trou noir...

Marc (caressant la chevelure blonde de la jeune fille) : Tu vas t'en sortir.

Une infirmière s'incruste discrètement dans la chambre. La caméra montre Marc assis sur le lit, observant le moindre mouvement de son amie, avec en arrière-plan l'infirmière qui s'apprête à l'informer du temps écoulé.

Infirmière : Monsieur ?
Marc se retourne : Oui...
Infirmière : Le quart d'heure s'est écoulé.
Marc : J'arrive.

Marc s'adresse une dernière fois à son amie en lui susurrant à l'oreille un mot d'encouragement : Hé, Lo... Je veux que tu saches une chose... Je t'adore. Tiens bon...

Marc pose alors ses lèvres sur la joue de Laura, qui, comme pour exprimer un remerciement, referme lentement ses yeux et resserre avec sa main celle du jeune homme.