Le feuilleton démarre avec une vue en plan de la place Cathédrale à Liège durant la nuit du 15 au 16 novembre 2008. Le générique musical est celui d'un film à suspense. Les noms des personnages et de l'équipe de cinéma apparaissent chacun séparément au bas de l'écran. La caméra est située à une cinquantaine de mètres au-dessus du sol et se déplace lentement, laissant apparaître le piétonnier des rues du Pont d'Avroy et du Mouton Blanc. La caméra se rapproche progressivement du sol - la musique du générique se maintient, pour s'immiscer dans la rue d'Amay, menant tout droit dans le Carré.
Celui-ci est un vaste quartier caractérisé par un quadrillage de ruelles où sont regroupées de nombreuses tavernes aux ambiances diversifiées. La caméra avance dans un mouvement lent dans ces sombres couloirs de briques et de pierres. Des musiques rythmées provenant des différents bars se mélangent au brouhaha de la foule éméchée. Le fond musical du générique se maintient à un niveau sonore légèrement plus bas. La caméra offre au regard des spectateurs l'étroitesse des rues à l'aspect labyrinthique. Arrivée dans la rue Saint-Adalbert, la caméra se dirige vers les doubles portes ouvertes d'un bar, au-dessus desquelles le nom « The Blackberry » est inscrit en lettres argentées sur un large panneau noir à peine éclairé. A l'intérieur, la piste de danse, sobre et branchée, est étendue sur trois cents cinquante mètres carrés. Dans la salle, une foule de jeunes gens danse sur un rythme soutenu de musique techno.
Mélanie Derechain a vingt et un ans et habite un appartement du centre-ville. Elle vient d'être recrutée comme territory manager au sein d'une firme de cosmétiques. L'allure gracieuse et le tempérament énergique, cette demoiselle est une habituée du Blackberry, le "quartier général" de la jeunesse dorée.
Installée près du comptoir, Mélanie attend un des serveurs affairés pour le saluer avant de retourner chez elle.
Serveur : Tu t'en vas déjà ? Il est à peine 2h10 du matin !
Mélanie : Je sais mais il faut que je me lève tôt demain. Je vais aider une amie à déménager.
Serveur : Ho, je vois... (Le serveur tourne son regard vers Laura, la meilleure amie de Mélanie qui arrive au comptoir.)
Laura (s'adresse, interloquée, à Mélanie) : Ne me dis pas que tu pars déjà ?
Mélanie : Je me lève tôt demain pour aller chez Elo... Ca tombe bien que tu sois là : j'aimerais que tu me raccompagnes jusqu'à ma voiture si ça ne te dérange pas. Je te ramènerai devant la rue.
Laura : OK, miss mais, d'abord, je vais chercher mon sac ! Attends-moi.
La musique retentit toujours pendant que Mélanie observe les danseurs dégourdis sur la piste. Soudain, son regard se porte sur un homme d'une quarantaine d'années, dont la présence est pour le moins étrange en ce lieu. L'individu la fixe quelques secondes puis, embarrassé, se dirige vers la double porte d'entrée.
Laura (arrive d'un pas précipité) : Voilà, je suis prête ! (Après un moment de silence, Laura interroge Mélanie dont le regard reste maintenu sur la double porte d'entrée du bar) Méla ? Tu regardes quoi, là ?
Mélanie : Rien... Rien, laisse tomber !
Laura et Mélanie sortent du bar.
Laura : Alors, dis-moi, ça marche toujours avec Olivier ?
Mélanie : Olivier ? (Hésitante) Comme ci, comme ça. J'ai pas à me plaindre.
Laura : Tu n'as pas à te plaindre ? (Bref silence) Et c'est tout ce que tu as à me dire ?
Mélanie : Ecoute, je pense que c'est quelqu'un de bien mais ... (Mélanie regarde autour d'elle, tentant d'apercevoir cet homme qui la regardait au bar) mais j'ai besoin de temps pour savoir si c'est le bon ou non.
Laura (embarrassée) : C'est normal, je comprends. Mais... Comment dire... Ca n'a pas l'air d'être la passion visiblement !
Mélanie : Je préfère ne pas en parler pour le moment. Alors, changeons de sujet si tu veux bien !
Laura : OK, je comprends. Enfin, si tu as envie de parler, tu sais à qui t'adresser !
Les deux jeunes filles approchent du boulevard de la Sauvenière. A l'angle de la rue du Pot d'Or et du boulevard, elles s'engagent sur la large chaussée. Soudain, un 4X4 noir aux vitres teintées sort tranquillement d'un emplacement de parking situé le long de la route. Le conducteur, à peine visible dans l'habitacle, allume les feux de croisement puis démarre en trombe. Le véhicule accélère. La caméra montre en gros plan l'imposant pare-chocs. Laura et Mélanie s'avancent lentement puis s'arrêtent quelques secondes près d'un panneau publicitaire trônant sur le trottoir central de la chaussée, le temps que Laura retrouve ses cigarettes dans son sac.
Laura : Mélanie, attends... Je cherche mon paquet de cigarettes. (Quelques secondes s'écoulent.) Ca y est !
Mélanie reprend la marche et devance Laura d'à peine trois mètres. Plongée dans ses pensées, la demoiselle emprunte alors la seconde partie du long piétonnier qui relie les deux côtés du boulevard. A quelques dizaines de mètres de là, le véhicule prend de la vitesse. Laura, en portant une cigarette à ses lèvres, tourne son regard vers ce mystérieux 4X4. Intriguée, elle prévient alors Mélanie.
Laura : Méla, attention !
Mais Mélanie, passablement éméchée, ne pressent rien du danger qui la guette. Le bruit du moteur est de plus en plus puissant.
Lancée sur la ligne droite, la voiture accélère. Mélanie n'a pas le temps de réfléchir. A vingt ans, on se croit immortelle. On pense que ça n'arrive qu'aux autres.
Le choc est inéluctable. Les secondes ne révèlent leur importance que dans les moments de grâce et de souffrance.
Des adolescents discutant dans la rue du Pot d'Or sont subitement interpellés par un cri perçant ; comme des quidams, ils se précipitent alors en direction du boulevard.
Après avoir projeté Mélanie à quelques dizaines de mètres du passage pour piétons, le 4X4 fait un tête-à-queue et manque de heurter un poteau placé sur le parterre séparant les deux voies de la chaussée.
Le temps s'arrête. Le crissement des pneus est strident. La tête de Mélanie percute le sol.
Le chauffard, après quelques secondes d'un silence aussi pesant que troublant, redémarre violemment.
Paniquée, Laura, après un moment de paralysie, rejoint Mélanie, étendue au milieu de la voie. Ses mains dissimulent son visage comme si elle se refusait à regarder le corps ensanglanté de sa meilleure amie. Elle ne réalise pas encore ce qui vient de se produire. Laura s'agenouille. Elle tremble.
Laura : Mé... Mélanie... Je... Je t'en prie... Ré... Réponds-moi. S'il te plaît...
La voix rauque, prise par l'émotion, l'empêche de se faire comprendre par les passants médusés.
Laura crie. De frayeur ou de colère ? Aucune importance. Le temps vient de s'arrêter à 2 heures 20 minutes et 43 secondes.
La caméra montre Mélanie, les yeux ouverts, gisant dans une marre de sang. Laura est à ses côtés et tient sa main. La caméra monte à la verticale en tournant lentement sur elle-même et offre progressivement une vue en plan du lieu de l'accident.
Nous sommes dans la nuit du samedi 15 au dimanche 16 novembre 2008. Il est 2 heures 20 du matin. Mélanie Derechain vient d'être assassinée.