samedi 2 mai 2009

EPISODE 24 : TRANSGRESSION (Partie 2)

Liège. Quartier du Carré. Rue Saint-Adalbert. Bar « Le V.I.P. ». Mercredi 4 mars 2009. 20 heures 48.

Une large estrade encercle une piste de danse, où seuls des faisceaux fushia et bleutés, guidés par des spots encastrés, mènent la danse sur un rythme nerveux. Décorations baroques, éclairage feutré et écrans plasma, accrochés aux murs tels des tableaux animés, confèrent à ce lieu culte des nuits liégeoises une atmosphère de mélange harmonieux entre classicisme et modernité. Les banquettes en alcantara noir disposées sur l'estrade attendent patiemment les nightclubbers de la « dernière heure ».

La caméra opère un large mouvement rotatif sur l'estrade semi-circulaire et s'avance lentement sur un jeune couple attablé : Rachel et Greg...

Rachel : Ca fait un bail que je ne suis plus venue ici. L'ambiance n'a pas changé.
Greg : La dernière fois que j'ai bu un verre ici, c'était il y a une quinzaine de jours, avec l'équipe de l'hosto.
Rachel (moment de silence ; Rachel manipule le pied de son verre de vodka) : C'est bizarre. On habite ensemble et on ne se parle pas beaucoup toi et moi en ce moment.
Greg : Je sais. Mes horaires sont difficiles. Je n'arrête pas de bosser. Mais je vais essayer de réduire le rythme.
Rachel : Avec tes nouvelles responsabilités, j'imagine que ça ne doit pas être évident.
Greg : Non, c'est le moins qu'on puisse dire.
Rachel (moment de silence) : Greg. Il faut que je te parle de quelque chose d'important.
Greg : Quelque chose d'important ?
Rachel : Oui. Je ne sais pas comment exprimer ça. Disons que j'ai fait une étrange rencontre il y a peu.
Greg : Une étrange rencontre...
Rachel : Oui. Et j'avais besoin de t'en parler.
Greg : Je t'écoute.
Rachel : Lors d'une soirée un peu trop arrosée il y a une dizaine de jours, j'ai fait la rencontre d'un homme.
Greg : C'est une bonne nouvelle, ça, non ?
Rachel : Je ne sais pas.
Greg : Si tu n'es pas plus emballée que ça, pourquoi m'en parles-tu ?
Rachel : J'étais au « Blackberry » avec des amies. Nous étions un peu éméchées. Et peu après minuit, un homme s'est approché de nous. Enfin, disons plutôt qu'il s'est dirigé vers moi.
Greg : Il voulait te draguer, je suppose ?
Rachel : Je... Je ne sais pas. Non, je ne pense pas.
Greg : Que t'a-t-il dit ?
Rachel : Il m'a dit... Il m'a dit qu'il me connaissait. J'avais beau scruter son visage mais je ne me souvenais pas de l'avoir rencontré auparavant. Il m'a dit qu'il s'appelait Mattéo. Mattéo Giuliani.
Greg : Mattéo Giuliani ?
Rachel : Oui. Oui, c'est bien ça, Mattéo Giuliani. Il m'a demandé si je faisais partie du Réseau.
Greg : Du Réseau ? Carrément ! Mais... Comment se fait-il que...
Rachel : Je lui ai demandé ce qu'était le Réseau et il m'a répondu que ma question ne servait à rien puisque lui et moi connaissions l'existence de ce groupe.
Greg : Attends... Ce gars s'est dirigé vers toi en sachant que tu faisais partie du Réseau. J'arrive pas à croire ce que tu me racontes !
Rachel : Je t'assure que c'est vrai !
Greg : Et que savait-il d'autre à ton sujet ?
Rachel : Il m'a dit qu'il faisait partie du Réseau et qu'il était un protégé de Barnier. Quand il a sorti le nom de « Barnier », j'ai compris qu'il était sérieux.
Greg : Que s'est-il passé ensuite ?
Rachel : Pour ne pas que mes copines entendent le fil de la conversation, je les ai abandonnées. Je suis alors sortie de la discothèque et me suis rendue avec lui dans un endroit plus calme. Je voulais comprendre pourquoi il était là.
Greg : Barnier nous aurait-il caché l'existence d'autres membres ?
Rachel : Probablement mais j'en ignore la ou les raison(s).
Greg : Continue...
Rachel : Nous sommes allés au « Carlton » et là, il m'a tout avoué...

Flash-back. Liège. Place Cathédrale. « Le Carlton ». Samedi 21 février 2009. 00 heures 27.

La caméra tourne autour des deux personnages, assis à une table placée près d'une mezzanine donnant sur le rez-de-chaussée du bar.

Rachel : Ma question va vous paraître brutale mais... D'où sortez-vous ? Monsieur Barnier ne m'a jamais parlé de vous.
Mattéo : C'est normal. Il n'était pas nécessaire pour lui d'évoquer mon existence aux autres membres. A quoi bon ? Monsieur Barnier est un homme très discret. De toute façon, il vaut mieux qu'il le soit !
Rachel : Quel âge avez-vous ?
Mattéo : J'ai trente-cinq ans.
Rachel : Et vous venez d'où ?
Mattéo : Je ne suis pas belge, si vous voulez tout savoir. J'habite à Milan car ma famille est originaire de là. Ca ne vous dérange pas si on se tutoie ?
Rachel : Heu non. (Moment de réflexion) Mais il y a un élément qui m'échappe... Votre... Enfin, ta famille n'a strictement rien à voir avec la Belgique ?
Mattéo : Du tout. Mais cela ne signifie pas pour autant que je sois étranger au Réseau, ou que ma famille n'ait aucun lien avec la tienne.
Rachel : Comment ça ?
Mattéo : Il y a en effet des liens de parenté. Mais tout cela est trop complexe pour te l'expliquer en quelques mots.
Rachel : Mais comment m'as-tu reconnue tout à l'heure dans la discothèque ?
Mattéo : Je suis revenu en Belgique il y a quelques jours pour faire un check-up auprès du laboratoire de Monsieur Barnier. Je loge à l'hôtel mais je repartirai bientôt. Monsieur Barnier m'a parlé de toi et de tes camarades. Il m'a montré des photos de chacun d'entre vous. Il m'a longuement parlé de toi et des autres.
Rachel : Mais pour la discothèque ? Ca ne peut pas être un hasard, n'est-ce pas ?
Mattéo : Non, ce n'est pas un hasard. Je t'ai suivie depuis la maison que tu habites, rue Raikem. C'est Barnier qui m'en a donné l'adresse. Je suis étonné que tu te rendes au centre-ville à pieds un samedi soir. Tu n'as jamais eu de problèmes la nuit ?
Rachel : Non, pas jusqu'à présent. Mais je ne suis qu'à un petit kilomètre du centre-ville. Il me faut dix minutes pour m'y rendre.
Mattéo : Il peut se passer beaucoup de choses en dix minutes.
Rachel : Je sais.
Mattéo : Rachel. J'ai une question à te poser.
Rachel : Oui ?
Mattéo : Personne n'a jamais été au courant de votre situation ?
Rachel : Nous avons toujours veillé à être discrets, à nous noyer dans la masse. Ca s'est toujours très bien passé.
Mattéo : Nous de même.
Rachel : « Nous » ? Qui ça, « nous » ?
Mattéo : Ceux que je côtoie en Italie.
Rachel : Tu veux dire que tu n'es pas seul là-bas ?
Mattéo : Non. Nous sommes quatre.
Rachel : Quatre... Comment sont-ils ? Parle-moi d'eux...


Retour à la scène de Rachel et Greg au « V.I.P ».

Greg : Et il t'a alors dévoilé leur identité...
Rachel : Oui, il m'a tout raconté. Il y aurait trois jeunes hommes, dont lui, et une jeune fille. Il m'a aussi dit que leurs ancêtres étaient étroitement liés aux nôtres.
Greg : Ainsi donc nous ne serions pas seuls.
Rachel : En effet.
Greg : Pourquoi Barnier ne nous a-t-il pas révélé l'existence de ces « cousins » ?
Rachel : D'après Mattéo, Barnier aurait eu l'intention de le faire mais il craignait que des affinités sentimentales ne se créent entre eux et nous. Et cela nous est interdit.
Greg : Mais... Il aurait pu y avoir des affinités entre toi et moi. Pourtant il nous a toujours permis de vivre ensemble.
Rachel : Dans son esprit, nous sommes frère et soeur, et c'est pareil pour Marc, Caro, Vanessa, Lionel et les autres.
Greg : Mouais... C'était quand même risqué. Regarde Caro et Marc.
Rachel : On ne peut pas empêcher ce genre de situation, Greg. Barnier nous a toujours avertis du danger que nous courions à transgresser cette règle.
Greg : Toi et moi, nous sommes restés sérieux, n'est-ce pas ? Nous n'avons jamais transgressé cette fameuse règle...
Rachel (moment de silence) : Et nous n'aurions aucun intérêt à le faire.
Greg (moment de silence) : Oui. Aucun intérêt... Il est reparti en Italie, ce Mattéo ?
Rachel : Oui, il est reparti.
Greg : Nous le reverrons un jour ?
Rachel : Sans doute. Il doit revenir tous les deux ans en Belgique pour un check-up.
Greg : Comment se fait-il qu'il n'ait jamais eu auparavant le réflexe de nous rencontrer ?
Rachel : Je ne sais pas... Il n'a peut-être jamais eu le temps.
Greg : Et si nous décidions de les rencontrer ?
Rachel : Comment veux-tu t'y prendre ?
Greg : Tu as l'identité de Mattéo à présent. Il y a sans doute moyen de retrouver sa trace... Et celle des autres.
Rachel : A quoi cela te servirait-il ? Tu crois que ça va changer notre vie ?
Greg (dubitatif) : Non mais... Ils font partie de notre famille. Je suis juste curieux. J'ai envie de les connaître.
Rachel : Envie de les connaître ? Pour tes recherches, ce sera sans moi. J'ai déjà assez de boulot et de soucis pour me mettre en quête de gens que je ne connais pas.
Greg : Pourtant, si tu réfléchis bien, ce serait probablement la seule façon de protéger le Réseau... Et de le perpétuer. Pour l'avenir de notre famille... Et de notre secret.

La caméra avance lentement sur le visage de Rachel, intriguée par cette réflexion douteuse. Une musique à suspense se superpose à la scène. Greg prend son verre de vodka, le porte à ses lèvres, tout en fixant le regard de sa colocataire.